Exposition Galerie Odile Oms à Céret février 2014
LUNDI 24 FÉVRIER 2014
Serge Fauchier en peinture et à Céret.
S'il est quelqu'un à qui il ne sert à rien de tresser une couronne de louanges, pour son travail, c'est Serge Fauchier, peintre. Voici un artiste, au curriculum vitae déjà bien marqué et doré de reconnaissances, posté à la fois au milieu du chemin et y poursuivant sa trace, et sur son bord, c'est-à-dire là où il peut se tenir à une certaine distance flux du temps et de son propre travail. Fauchier est de ces artistes qui existent par le feedbach constant entre le faire (qui n'habite pas sous le même toit que l'inspiration) et la réflexion dont l'objet est de mieux décortiquer ce faire (dans ses formes, ses couleurs, ses ambitions), pour le nourrir aussi en le musclant et en le poussant à l'activité. En le soumettant aussi à quelques questions, entre philosophie et poésie de la représentation. L'art pour ne pas se gripper a besoin d'adjuvent culturel, de théorie plus que de "tripal". Vérifié chez Matisse, vérifié chez Hantaï et comme chez eux c'est le travail qui pousse à ouvrir les fenêtres du mental, et non l'inverse. L'art ne se maintient à flot que par un patient et subtil jeu de rame, entre histoire et société. Fauchier sait où il se trouve. Ni dans une tour d'ivoire ni dans une foule. C'est ainsi que Fauchier peignant pousse sa barque. Une image bien romantique, direz-vous, pour un artiste qui n'a jamais payé de dîme ni au Romantisme ni à Pont-Aven. Simplement pour souligner la netteté de l' inscription et de l'épanouissement de son travail dans une traversée sociale et intellectuelle qui fait confiance à l'individu. Et Serge Fauchier est un individu bien déterminé, équipé et armé pour éviter les lits d'une volupté de circonstance, ou les griffes du superficiel, comme les ailes de la mode ou les cris du tape-à-l’œil, que l'on applaudit sur certaines scènes artistiques. Serge Fauchier est peintre. Intensément peintre; il mène son affaire, à l'ancienne, par la main et par l'œil. Il ne se laisse divertir par aucune sirène (sédentaire ou nomade), prometteuse de notoriété cotée et ou de jolie couverture de magazine glacé. Il y a déjà quelque temps que Fauchier a conquis son autonomie et s'est fait connaître. Qu'il a sa place dans la géographie de l'art, et pas uniquement dans un petit coin de province. Place, bien méritée, comme bel artisan de la chose visuelle. Celle, non pas qui vous agresse, vous saute sur le paletot (aime-moi!) et que vous fuyez, pour vous en débarrasser dare-dare. Non, cette chose visuelle que votre regard de visiteur (tiens!tiens!)découvre à la fois comme attrait et comme énigme et dont la pesée interrogative ou la fascination vous oblige à mieux affiner votre perception. A pénétrer dans le "jeu de construction", à en éprouver la singularité de l'univers qui en résulte: ses limites, ses béances, ses intervalles... Cet univers qui ne s'autoproduit jamais seul ni tel quel, et qui, avec plus ou moins d'accentuation et de frénésie, se dilate ou se contracte, questionne la barrière et le niveau, dialogue avec son centre, se déplace, se superpose, se range, s'arrange, se frôle ou rebondit dans des correpondances d'harmonies, des complémentarités d'équilibres, dans des quiétudes comme dans des ondulations de vertiges et des lisérés chromatiques. On voit bien que l'on est dans le fragment et le multiple, dans un vide dont on cherche la profondeur pour l'habiller de bandeaux de tendresse. Par sa foi dans la toile, les pinceaux et les couleurs, Serge Fauchier, peintre évadé (dans sa jeunesse d'un certain surréalisme) et poussé, par les révoltes logiques de son temps (ni plus ni moins logiques que celle du temps d'un certain Rimbaud), à faire le ménage matérialiste des vieux mobiliers picturaux dans la suite d'un certain Kazimir Malévitch, et poursuivant en machadien ("il n'ya pas de chemin") plus qu'en hugolien ("une force qui va") son oeuvre, il est aujourd'hui un peintre, disons en résistance, dont la maturité défend les lettres de noblesse et le droit de cité de la Peinture, dans une société livrée, peut-être inconsidérement, aux pressantes nouvelles technologies et à la rapidité qu'elles ont à projeter dans la préhistoire ce que l'on a vécu la veille. Pientre d ela couleur, dans la nuance, le "mêlé", jamais dans le torride ou la froideur. Ringarde, dépassée, obsolète, kleenex, la peintre? La bonne blague, vous répondront Serge Fauchier et ceux (nombreux! nombreux!) qui défendent son travail et sa posture. Ainsi, par exemple, à Céret -dans les Pyrénées-Orientales- la galerie Odile Oms où l'on peut voir une sélection de tableaux de l'artiste. (Né à Saint-Avit Sénieur, en Dordogne, Serge Fauchier vit et travaille depuis de très nombreuses années à Perpignan. Pédagogue, il y dirige, d'ailleurs, la Haute Ecole d'Art de la ville connue par l'acronyme HEART. Il a également signé plusieurs ouvrages.)
Galeri Odile Oms, 10 rue du Commerce, Céret. Exposition Serge Fauchier . Exposition jusqu'au 10 mai. Ouverte au public du mardi au samedi, de 11 h à 12 h 30 et de 14 h à 19 h.