Notes de travail

 

Depuis plusieurs années, mon travail s’est séparé en deux formes différentes et néanmoins complémentaires ; chacune d’elles est attachée à un espace géographique et un lieu de production particuliers. Ainsi, la plupart des peintures avec les bandeaux ondulatoires sont réalisées dans un espace vaste et ouvert frontalement sur l’extérieur, tandis que les tableaux aux formes quadrangulaires sont produits dans un atelier plus organisé et architecturé.

 

Cette partition du travail sensible depuis une décennie, avec les milieux différents ou elle s’organise, s’avère maintenant effective, portée par les rythmes qu’elle imprime, les choix et échos des regards et des lectures qu’elle suscite.

 

Je souligne cela pour des raisons purement principielles susceptibles d’éclairer mes décisions et engagements, même si je suspecte de plus en plus une perception des choses allant au-delà de leurs prévisions.

Dire que les raisons échappent toujours, il n’y aurait qu’un pas, et le franchir... 

Cela n’exclue pas les commentaires sur ce que je peins, ses comment et pourquoi, ne serait-ce seulement que pour exercer cette propriété de la peinture qui serait de faire gloser et écrire dans ses pourtours.

 

 

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En peignant, je ne peux me séparer de mes façons d’être au monde, ni de ce qui les a déterminées. Les ruptures et contradictions rencontrées se projettent et se retrouvent dans les pratiques, davantage pour les dynamiser que pour les établir.

 

Je m’espace et me réunis ; je m’espace avec les bandeaux, dans les hors-champs ouverts par leurs fuites latérales, et me rassemble dans les regroupements désordonnés des quadrangles.

L’ondulation imprime son mouvement et dynamise les bandeaux, arrêtés, accélérés ou ralentis selon les couleurs, le désordre des groupes de quadrangles s’oppose à leur fixation en figures ;

Ceux-ci se concentrent ou, au gré des blancs, « s’éparsifient » dans l’étendue aux limites nettes qui contiennent leur fuite.

 

                                                                       

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Cette place, cet endroit (cet envers ?) où j’ai la sensation de m’installer progressivement, sont finalement ceux où je me tiens depuis le début sans les avoir jamais relevés, en raison sans doute de ma retenue ou plutôt de mon incapacité à les pointer pour cause probable de trop forte évidence ; parfois nous demeurons aveugles à ce qui est le plus présent sous nos yeux.

 

J’attends toujours de la peinture et de son histoire, ce qu’elles ne donnent pas d’emblée. C’est la raison pour laquelle je retourne souvent les raisonnements apparemment les plus assurés, pour faire saillir leurs creux et, au bénéfice de la réversion, monter ce qui demeurait caché dans l’ombre de leurs plis.

 

 

 Mai 2021